Chapitre 3 - Le pouvoir de l'oeil

À peine deux jours après avoir obtenu le titre de chercheur d'Audepint, je me fis enlever pendant la nuit! Je me réveillai le lendemain, la tête lourde, dans une chambre lugubre remplie de bocaux au contenu étrange. La décoration tirant sur le rouge sang, il ne me prit pas trop de temps à comprendre que j'étais retenu chez les Jeezarien!

 

Les yeux embrouillés, je m'assis sur le sol froid et humide. Une chandelle éclairait faiblement la pièce et je pus entrevoir un lit somaire et une pile de grimoires sur un petit bureau. Je pris le chandelier et m'avançai vers le bureau; des notes éparses, une plume dans un encrier et un livre ouvert sur une page de recette. Alors que j'allais noter la recette, j'entendis des bruits de pas s'approchant. Je m'empressai de replacer le chandelier à sa place et de me recoucher sur le sol. Le mécanisme de la serrure retentit et la porte grinça. À contre-coeur, je fermai mes yeux feignant d'être encore assoupi.

 

- Je sais que tu es réveillé, Pontos... Le chandelier était à gauche.

 

La voix avait raison, j'avais replacé le chandelier à droite!

On me laissa une assiette et on prit le grimoire de recette. Je me méfiai du repas qu'on m'avait laissé, mais après quelques heures la faim m'avait gagné et je n'en pouvais plus. Je mangeai ce qu'on m'avait donné. Une mixture étrange au goût que rien dont je connaissais pouvait y ressembler.

 

Des bruits de pas s'approchèrent à nouveau. Je laissai l'assiette sur le bureau et m'assis sur le lit. On ouvrit la porte et on me regarda, les yeux brillant dans la pénombre.

 

- Ravi de voir que tu as aimé le chat bouilli...

 

J'écarquillai les yeux, c'était du chat!

 

- À vrai dire, ce n'était que des yeux de chat... le reste, nous nous en sommes servi pour le pâté de ce midi...

 

Je me senti faiblir rien qu'à l'idée d'avoir mangé cette drôle de mixture. Je n'aurais pas dû. J'aurais dû laisser l'assiette où elle était. J'en eus des haut-le-coeur. On me donna quelque chose dans la main.

 

- Mange, tu iras mieux.

 

Sous un regard sévère, je mangeai. Quelques minutes plus tard, mes nausées m'avaient quitté.

Il ne prit pas beaucoup de temps au somnifère pour faire effet. Je me retrouvai dans les vappes une nouvelle fois. Après un certain laps de temps, je me réveillai. Je me trouvais dans une nouvelle pièce. Beaucoup moins lugubre que la première, je m'aperçus qu'il y avait une note sur la table de chevet :

 

« Voici votre chambre, bureau et laboratoire. Faites-en ce que vous voulez. »

 

Je regardai avec plus d'attention le bureau : des plumes neuves, un encrier, mes travaux et mon grimoire y étaient placés. Je regardai dans la petite armoire juste à sa gauche : une quantité impressionnante d'ingrédients essentiels ainsi qu'un chaudron de très bonne qualité. Mais pourquoi au juste m'avait-on emmené ici? Décidément, Jeezara était rempli de surprises! J'entrepris de vérifier si mon grimoire était entier. Lorsque j'en ouvris les pages, je me rendis compte qu'il y avait des recettes en plus : Flesh'N Bones, Morpho Cat et Boneshees ! Il y avait des notes ici et là à propos de différentes recettes comme le résultat de certaines morpho. On avait étoffé mon grimoire pendant mon isolation...

Je me dis que ce ne devais pas être une mauvaise idées de reprendre mes recherches là où je les avais laissées avant de quitter Audepint. Je m'assis donc à mon nouveau bureau et commençai à rédiger quelques recettes. Après une heure, j'avais déjà bien plus progressé qu'en plusieurs semaines dans les autres écoles. À l'heure du dîner, on m'apporta un plat.

 

- Qu'est-ce que c'est ? dis-je avant même de vouloir y goûter.

 

- C'est un simple ragoût.

 

- Du ragoût ? Il est fait avec quoi ?

 

- Rien de particulier...

 

Insatisfait des réponses, je renonçai à mangeai le dîner. Je ne voulais pas manger à nouveau du chat ou des yeux de chat... Peut-être même y avait-il encore des somnifères. Je continuai donc mes travaux et bien avant que je ne m'en rende compte, il était déjà l'heure du souper. Cette fois, on m'apporta une soupe remplie de ce qu'on pouvait deviner étant des légumineuses. Rien de très étrange ou dégoûtant. Je mangeai sans faire de chichis. Ce n'était pas mauvais, contrairement à ce que j'aurais pensé. Je continuai inlassablement mes travaux. Au bout de quelques heures, le sommeil commençait à me gagner. Cependant, malgré la fatigue, malgré mes yeux se fermant d'eux-mêmes, je ne pouvais arrêter maintenant. J'étais sur le point d'aboutir à une nouvelle recette d'aurification. Toutefois, après deux heures, le sommeil gagnait tranquillement le reste de mon être et je ne pouvais que m'arrêter. Alors que j'allais déposer ma plume sur le bureau, elle se déposa dans l'encrier! Mais qu'est-ce que !? Je ne contrôlais plus ma main!!! Horreur ! Qu'allais-je faire ?!? Était-ce un produit dans la soupe ou on m'avait injecté quelque chose pendant mon sommeil ?

Ma main était devenue frénétique. Elle n'arrêtait plus d'écrire et bien que de mon autre main encore valide je tentai de l'arrêter, il n'y avait rien à faire. Pris de panique, je voulu quitter ma chaise et m'éloigner du bureau, mais mes jambes refusaient de m'obéir et je fus contraint à rester assis. Je me dis ensuite que je pouvais toujours bouger mon environnement si, moi, je ne pouvais plus bouger... je pris mon grimoire et le retira de sous ma plume. Ma main, cependant, continuait d'écrire sur le bureau! Je me mis en quatre pour reculer ma chaise par petits bonds. Ma plume s'enfonça alors dans ma cuisse. Je grimaçai de douleur et me retins de crier. Je tombai et m'affalai sur le sol. Je réussis à retirer la pointe de ma jambe et lançai la plume au loin. Je pris un morceau de tissus et l'enroulai autour de ma blessure. Le reste de mon énergie me laissa et je m'endormis péniblement.

 

Le lendemain, j'avais pris ma décision : il fallait que je quitte cet endroit! Je le ferai à la nuit tombée. Je fis comme si je m'étais résigné à rester là enfermé jusqu'à ce qu'ils veulent bien me laisser sortir... Je ne mangeai rien cette journée-là. Le risque d'être encore drogué était trop grand et je voulais avoir tous mes esprits pour pouvoir m'enfuir.

Lorsque le soleil commença à descendre, mes préparatifs étaient déjà terminé. Je m'étais fait un petit sac de la taie d'oreiller et l'avais cacher derrière la penture de la porte. Je me coucheai sur le lit feignant m'être assoupi. Peu de temps après, la clé dans la serrure se fit entendre. Aux aguès, je n'attendais plus que l'on vient chercher mon assiette que j'avais vidée par la fenêtre. Quand la porte grinça, j'entrouvris mon œil gauche pour voir quand ce serait le bon moment. Soudain, je bondis et agrippeai le Jeerarien. Je lui pris la clé des mains et le fis tomber sur le lit. Je couru chercher mon sac et refermai la porte à clé derrière moi. C'est ainsi que ma cavale commença. Je m'enfuis silencieusement de l'école Jeezara et entrepris de m'enfuir vers Gemini.

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